Je remercie
chaleureusement Martine Faure qui nous a tendu la main dès dimanche
soir dernier, et qui permet ce soir aux écologistes de s'exprimer
devant vous.
Je la remercie d'autant
plus que cette attitude n'est pas si fréquente en politique, surtout
en période électorale où les esprits ont parfois tendance à se
crisper dans une rivalité qui, si elle peut s'avérer payante en
résultats immédiats, obère souvent l'avenir.
Je n'avais au départ pas
l'intention d'attaquer des personnes mais je dois dire qu'à la
lecture de Sud Ouest mardi, mon sang n'a fait qu'un tour. Le candidat
de l'UMP se réjouit de notre score, certes modeste, j'en conviens,
en disant qu'il est une bonne nouvelle pour les agriculteurs.
Autrement dit, les écologistes seraient les ennemis de l'agriculture
et des agriculteurs.
Alors, soit M. d'Amécourt
est mal informé sur la question, soit il est aveuglé par la
mauvaise foi car, qui est responsable du malheur des agriculteurs
aujourd'hui ?
Quand les paysans sont
les premières victimes des produits chimiques qu'ils manipulent,
quand les cancers de la vessie explosent chez les viticulteurs, quand
les céréaliers sont victimes de stérilité en raison de l'usage
des pesticides, quel est le modèle de développement qui provoque
toutes ces maladies, sinon le modèle productiviste de l'agriculture
intensive dont les néo-libéraux sont les farouches partisans ?
Pour expliquer en quoi
tous les problèmes, économiques, sociaux et écologiques, sont
liés, je voudrais prendre l'exemple du volailler Doux, qui entraîne
aujourd'hui dans sa faillite 800 éleveurs.
Le groupe Doux a touché
des milliards d'euros de subvention de l'Europe depuis 15 ans,
dernièrement 56 millions en 2010, 35 millions en 2011, pour produire
des poulets élevés en batterie, nourris aux Ogm et vendus congelés
dans le monde entier et en inventant un système d'intégration, de
l'élevage au plat cuisiné. Dans ce système intensif, l'éleveur
n'est qu'un maillon d'une chaîne qui le dépasse : on lui fournit
les poussins, les céréales pour les nourrir, il doit se contenter
de contrôler au moyen d'ordinateurs la croissance accélérée de
poulets qui n'auront de leur courte vie jamais vu un rayon de lumière
naturelle ni un brin d'herbe. Dans ce système les éleveurs sont
très mal rétribués : 0,197 € par kilo produit pour l'année
2010-2011. Les salariés des unités d'abattage ne sont pas mieux
lotis, payés au Smic, sans rémunération de leur petite demi-heure
de pause.
Doux exporte massivement
au Moyen Orient et en Afrique. Dans ce continent les éleveurs locaux
ne peuvent plus supporter la concurrence, cessent leurs activités,
désertent les campagnes et affluent vers les mégalopoles où,
chômeurs, ils vivent dans des bidonvilles. La nourriture de ces
poulets de batterie est composée pour partie de maïs et pour partie
de soja transgénique importé du Brésil qui pour les produire
déforeste la forêt amazonienne pour le plus grand malheur des
Indiens qui y vivent.
De la Bretagne à
l'Amérique et à l'Afrique, c'est un système absurde qui s'est
développé, au détriment des populations locales et des équilibres
naturels. Alors, M. d'Amécourt, qui est l'ennemi des agriculteurs ?
Sur ces questions, je
sais qu'il est possible d'unir nos efforts. N'est-ce pas sur
proposition des écologistes que le Conseil Régional d'Aquitaine a
doublé son effort financier pour soutenir l'agriculture biologique ?
Pour la première fois en
France, un agriculteur charentais a gagné devant les tribunaux
contre la firme Monsanto, faisant la démonstration que les troubles
neurologiques dont il souffrait étaient causés par les produits
qu'il manipulait. Alors, bien sûr, Monsanto n'en restera pas là, a
fait appel, et on sait que la firme dispose de toute une armada de
juristes qui travaillent à chercher la faille pour éviter une
condamnation néfaste à ses intérêts économiques.
Mais les lignes
commencent à bouger. Les paysans se rebellent et défendent leurs
droits. Et ce combat est mondial. Les sociétés cotonnières du
Burkina Faso viennent de décider d'arrêter la culture du coton Ogm
car celui-ci n'a pas produit les résultats vantés. Un nombre
important de paysans brésiliens viennent d'obtenir devant les
tribunaux le remboursement des sommes qu'ils avaient versé à
Monsanto pour l'achat de semences privatisées.
Car la politique de ces
grandes firmes consiste, en posant des brevets sur les organismes
vivants modifiés, à rendre les agriculteurs complètement
dépendants en détruisant leurs savoir-faire ancestraux et en les
ruinant économiquement.
Sur ces questions, je
sais que nous pourrons unir nos efforts car lorsque nous nous sommes
mobilisés en 2007 sur le canton de Cadillac pour dépister des
plants de maïs Ogm, la députée Martine Faure a soutenu notre
démarche. Je salue aussi la Région Aquitaine qui s'est déclarée
territoire sans Ogm ainsi que la commune de Créon en 2009 sous
l'impulsion de son maire Jean-Marie Darmian.
Nous autres écologistes
sommes internationalistes, mais en plus de l'internationalisme du
mouvement syndical et ouvrier, nous avons une vision planétaire.
Car la nature ne connaît
ni la propriété privée ni les frontières, même la notion de
frontière naturelle qui pourrait être matérialisée par des
massifs montagneux n'a pas de sens, nos amis basques le savent bien.
Les apiculteurs espagnols
ne peuvent plus vendre leur miel car leurs abeilles butinent
indifféremment des plantes naturelles ou génétiquement modifiées.
Tout comme les nuages radioactifs qui ne s'arrêtent pas aux
frontières de la France parce que les hommes en auraient décidé
ainsi et les conséquences mondiales malheureusement incalculables de
Fukushima.
A ce sujet, j'espère que
nous pourrons au cours de la législature remettre à plat et sans
tabous la question nucléaire. Car il est nécessaire de revenir sur
la prétendue indépendance énergétique de la France. Que serait
l'industrie nucléaire française actuelle sans les mines d'uranium
du Niger dont on sait dans quelles conditions écologiques et
sociales Areva les exploite ? Et tout cela pour des retombées
économiques actuellement nulles pour les populations locales qui
vivent dans la plus extrême pauvreté.
Nous autres écologistes,
pensons qu'il n'est pas possible de détacher le local du global.
J'aime à citer le philosophe Günther Anders qui parlait d'une
internationale des générations.
Il est irresponsable pour
les hommes d'aujourd'hui, de faire des choix qui engagent l'avenir au
point de rendre impossible toute décision libre des générations
qui nous succèderont.
Lorsque nous produisons
des déchets nucléaires qui nous survivront des milliers d'années,
nous étendons notre pouvoir sur l'avenir et interdisons aux
générations futures de faire d'autres choix que les nôtres.
Jean-Jacques Rousseau
écrivait il y a plus de deux siècles qu'un peuple ne peut renoncer
à sa liberté et que si par malheur il avait la folie de s'aliéner,
cela le rendait doublement responsable : et devant ses propres
enfants qu'il fait naître dans les chaînes, et devant l'humanité à
venir à laquelle il transmettrait son aliénation. Je crois
qu'aujourd'hui nous pouvons nous livrer à la même analyse
concernant les choix techniques et les modèles de développement, et
que nous avons le devoir de transmettre la planète dans un état qui
permette aux générations futures d'exercer librement leurs propres
choix de développement.
Je peux vous sembler bien
loin du contexte politique présent mais pas du tout. La politique
que nous mettrons en oeuvre ensemble à l'assemblée et au
gouvernement pour les cinq années à venir doit être pensée à
partir de ces préoccupations. Les périodes de crise devraient être
propices à la transformation en profondeur de nos schémas de
pensées, de nos modèles de production et de consommation.
Avons-nous encore le
choix ? Pouvons-nous prendre aujourd'hui, démocratiquement, des
décisions qui nous permettront de sortir de la crise et de
réinventer un système plus humain ou attendrons-nous encore jusqu'à
ce que le réchauffement climatique conduise à de tels mouvements de
populations et de guerres autour des ressources qu'il ne nous restera
plus que les décisions autoritaires dont rêvent certains ?
Dans quelques jours va
débuter le sommet Rio+20 où vont être discutées au niveau mondial
les solutions au réchauffement climatique, à la préservation des
ressources naturelles, à la déforestation, à la protection des
biens communs, gageons que nous saurons mettre en oeuvre des
solutions politiques fortes pour la décennie à venir.
Je me réjouis que ces
derniers jours des signaux aient été lancés, quand la ministre de
l'écologie Nicole Bricq publie la carte des forages de gaz de
schistes qui nous concernent localement, pas très loin d'ici en
Dordogne, quand elle décide de suspendre les permis de forages
d'hydrocarbures de la compagnie Shell au large de la Guyane afin de
veiller à la préservation des fonds marins.
Pour en revenir à notre
12e circonscription, nous pouvons d'ores et déjà mettre en oeuvre
ensemble des solutions locales, en élaborant des plans de
développement du territoire qui soient vraiment au service des
populations et qui préservent son patrimoine naturel. Nous,
écologistes, serons toujours disponibles pour travailler avec vous
dans ce sens.
Pour terminer je voudrai
remercier encore une fois Martine Faure de nous associer à sa
victoire de dimanche prochain qui, j'en suis convaincue, sera large
et brillante. Cette victoire est d'autant plus nécessaire qu'on a
bien vu que, Sarkozy battu, rien n'a changé à droite. Au cours de
cette campagne des législatives, les derniers masques sont tombés,
les prises de position de l'UMP ont montré que son idéologie est
profondément grangrenée par les idées de l'extrême droite.
Le combat ne fait que
commencer pour construire ensemble une République des droits
vraiment universels, une République solidaire, écologique et
sociale.
DJ